top of page

Le Golfe d'Alaska et le Passage Intérieur

P9131874.JPG
©Marie Négré-Desurmont

Les jours qui suivent sont consacrés à la préparation de notre prochain trail autour du Mont McKinley et à l’itinéraire qui nous mènera progressivement vers le Sud de l’Alaska.

Au détour d’une randonnée dans le parc du Denali - une promenade de santé après ce que nous avons vécu sur la Péninsule de Kenai - les paysages sont toujours aussi grandioses. Le Mont McKinley fait 6190 mètres d’altitude et nous éblouit dans sa robe d’automne.

 

J’ai vu ici la nature la plus sauvage et j’ai l’envie de parcourir celle-ci encore longtemps. Mais New-York est encore loin, à plus de 7000 km vers l’Est alors il faut se décider à quitter l’Alaska, à contrecœur.

Pour aller dans le Sud, nous décidons de caboter dans le golfe d’Alaska afin atteindre Juneau, capitale de l’Etat, accessible uniquement par avion ou par bateau. Là-bas, nous rencontrons Michael qui nous accueille chez lui. À peine les affaires sont-elles déposées qu'il nous embarque dans un cours de danse de salon. On savoure avec délice cette soirée improvisée pendant laquelle on tente de danser le West Coast Swing.

La soirée se prolonge autour d’un fish and chips partagé avec nos nouveaux partenaires de danse à qui nous racontons mon voyage et nos plans pour les jours à venir ; à savoir, trouver un bateau pour traverser l’Inside Passage et atteindre Vancouver ou Prince Rupert au Canada. Nos amis du soir s’empressent de chercher des contacts susceptibles de jouer les passeurs avec leur bateau de loisir. Nous croisons les doigts en attendant leur réponse et finissons la soirée dans un bar typiquement alaskien, aussi chaleureux qu’il fait froid dehors.  

Le lendemain matin, nous filons sans attendre dans les ports de la ville démarcher les pêcheurs pour nous emmener au Sud. Avec l’aide d’un local qui nous fournit papiers, stylos et conseils de rédaction, nous écrivons plusieurs petites annonces épinglées sur le tableau où en figure un paquet d’autres. Nous précisons : “Looking for a ride to South, we can offer help and french cooking on board.”

Puis nous descendons sur les quais questionner les pêcheurs un par un. Tous s'intéressent à notre voyage et à mon projet et nous posent un millier de questions, si bien que nous passons la journée à en discuter. Mais nous ne trouvons pas notre bateau pour autant... La saison de la pêche touche à sa fin et la plupart des pêcheurs reviennent déjà vers le Nord. Avec un peu de chance, peut-être qu'un retardataire nous contactera quand même ?

En attendant, je me renseigne sur les autres possibilités de transports que nous avons. Il n’y en a qu’une mais elle nous plait bien : prendre le ferry d’État qui nous amènerait deux jours plus tard à Prince Rupert. Nous nous laissons encore une journée avant de réserver car nous préférons embarquer sur un bateau de pêche, pour le folklore et pour la chance d’apercevoir les orques, baleines et autres bélugas qui peuplent le coin.

Pour patienter, je propose à mon ami ce que je fais souvent quand j’ai un peu de temps à tuer : une ascension ! Michael nous conseille le Mont Juneau, un trail ardu mais relativement court. Environ 4 heures aller-retour selon lui. Nous partons donc admirer la baie de Juneau et les fjords du haut de la montagne.

 

À travers les bois et les chemins escarpés, ponctués de quelques cascades, nous redescendons doucement vers la petite ville de Juneau où nous vadrouillons l’après-midi. Sur les bords d’un détroit, elle ressemble à une ville de western, où la forêt domine les pubs, les petites boutiques, et la seule église orthodoxe. Historiquement, Juneau est une ville de natifs des tribus Tlingits et Haïdas qui ont été évangélisés par les russes de Sibérie dans les années 1840-50, avant que l’Alaska (russe donc) ne soit rachetée par les américains en 1867 pour la modique somme de 7,2 millions de dollars.

Nous flânons encore jusqu’au soir, avant de dîner sur le port. Le lendemain, sans retour positif de notre annonce, ni des amis de nos partenaires de danse, nous décidons de réserver le ferry d’État. Pour un peu plus d’aventure et quelques économies, nous décidons de ne pas réserver de cabine. L’embarquement se fait le soir même. Nous nous installons sur des banquettes avec nos sacs de couchage et montons sur le pont admirer la baie qui s’éloigne et les montagnes qui se profilent …

Emmitouflés jusqu'aux oreilles, on essaye aussi de trouver des baleines avec nos jumelles. Bingo! En voilà deux ! Je trouve surprenant qu’elles passent si près sans crainte mais il paraît qu’elles ont l’habitude. Elles sont majestueuses.

Le soir venu, nous nous restaurons simplement à la cantine, mais nous  devons nous passer de douche. Le confort du bateau est sommaire car c’est un transport local qui emmène d’un bout à l’autre de l’Inside Passage les habitants des villes qui ne sont ici pas connectées au reste du pays. Sur 800 kilomètres, cette route nautique louvoie entre un chapelet d’un millier d’îles qui s’ancre au large d’un littoral que les glaciers ont entaillé de fjords et de criques. Et malgré le vent glacial qui nous gifle les joues, nous ne nous lassons pas de regarder ce paysage majestueux défiler lentement sous nos yeux.

 

Nous arrivons finalement à Prince Rupert où nous passons les douanes canadiennes, disons plutôt un simple contrôle de passeport. Nous n’avons rien prévu ici, alors nous marchons le long de la route sur quelques kilomètres jusqu’à la ville, où nous cherchons un motel pour la nuit. Puis nous appelons une compagnie ferroviaire pour réserver un train, car nous nous sommes entendus dire que la route avait très mauvaise réputation ; des panneaux indiquent même fréquemment “Girls, don’t hitchhike on the highway of tears” (mesdames, ne faites pas d’auto-stop sur l’autoroute des larmes). Une série d'enlèvements non élucidés y a eu lieu et nous dissuade donc de continuer à pied.

 

Notre train partira le lendemain matin à 8h, et en attendant nous allons à la découverte de la ville et des totems qui l’orne. Nous nous amusons à essayer de les décrypter avant d’y lire la description sur les panneaux. Ces mâts totémiques incarnent chacun une histoire, un événement de la tribu à laquelle ils appartiennent. Ils peuvent être aussi bien une représentation de la mémoire familiale que collective, et sont constitués d’un ensemble de figures humaines et non humaines. Nous avons vu des totems qui ne manquaient pas d’humour ; certains en effet se moquaient ouvertement des occupants russes avec des figures pas vraiment flatteuses.

 

À l’aube du jour suivant nous repartons donc vers la gare, située près du port où nous avons débarqué la veille.

Ce train est une aubaine… nous sommes installés comme des pachas et regardons les paysages de la Colombie Britannique se dérouler devant nos yeux. Les lacs succèdent aux plaines rougies par les prémisses de l'automne, puis les collines se détachent au-dessus des rivières et des vallées que nous traversons. C’est absolument splendide. Même si le temps est long, il aurait été bien dommage de manquer ça, du haut d’un avion … C’est aussi pour nous l’occasion de faire la connaissance de ceux qui empruntent ce train pour se déplacer dans leur région.

 

Après presque 16 heures de voyage, nous voilà finalement à Vancouver, où Henri me laissera reprendre mon voyage en solo … De là, il faut que je choisisse si je traverse le Canada d’Ouest en Est, ou si je descends plus bas vers les États-Unis pour retrouver New-York en fin de route. Je pourrai également m’amuser à faire les deux, me hasarder vers la Nouvelle-Louisiane puis remonter. Je peux tout faire, de là où je suis, le continent américain est à mes pieds ! La belle aventure ...

bottom of page